Derrière son maillot rouge et noir, Dorian Aldegheri cache un moteur bien plus bruyant que celui de ses mêlées : une passion détonante pour les choppers, ces motos à la philosophie radicale. Une passion singulière, à l’image du pilier du Stade Toulousain. Analyse.
Un palmarès de poids, un joueur à part
Cinquième titre de champion de France en 2024, doublé européen réussi avec deux Champions Cup, sans oublier le sacre historique avec le XV de France au Tournoi des Six Nations 2025 : Dorian Aldegheri est, à 31 ans, l’un des piliers les plus expérimentés et titrés du rugby hexagonal. Membre du noyau dur façonné par Ugo Mola, il incarne la stabilité et la rigueur au sein de la mêlée toulousaine. Et pourtant, en dehors des terrains de Top 14, le droitier révèle une personnalité atypique.
En juin dernier, alors que ses coéquipiers célébraient le bouclier de Brennus, Aldegheri s’éclipsait direction Clisson pour le festival Hellfest. Rock, huile moteur et vibrations de cylindres : bienvenue dans l’univers des choppers, sa passion aussi brute que mécanique.
Un univers à contre-courant : les choppers, une philosophie de vie
Interviewé par Rugbyrama, Aldegheri plonge dans le détail technique de cette passion méconnue. « L’idée est d’avoir la moto la plus singulière », confie-t-il. Oubliez les motos de série : ici, tout est fait maison. Le style « chopper » vient des États-Unis, et implique d’enlever tout confort inutile pour privilégier l’esthétique brute, la performance marginale… et surtout, l’unicité de chaque machine.
Parmi les pratiques les plus extrêmes figure le mode « suicide » : embrayage au pied, changement de vitesse manuel sans assistance, parfois avec une seule main au guidon. Un retour aux sources radical, qui résume bien la philosophie du rugbyman : « Moins tu as d’assistance, plus c’est dur et mieux c’est ». Une mentalité de combat en phase avec les valeurs du poste de pilier droit, où il faut souvent affronter l’adversité de front, sans artifice.
Rugby et custom : une complémentarité inattendue ?
Si, de prime abord, rugby professionnel et mécanique underground semblent à des années-lumière, Aldegheri y voit une forme d’équilibre. « Tu perds dix ans d’espérance de vie en une semaine », plaisante-t-il. Une hyperbole qui traduit surtout l’intensité et l’adrénaline que procure cette passion. C’est aussi une soupape de décompression dans un calendrier de plus en plus dense. Entre le Top 14, la Champions Cup et les échéances internationales, les joueurs sont soumis à un stress physique et mental constant.
Mais attention, il reste prudent. L’idée de s’adonner pleinement aux choppers ne se concrétisera qu’après sa retraite sportive. Pour l’instant, Aldegheri canalise cette passion sans compromettre ses obligations avec le Stade Toulousain. Une rigueur qui témoigne de son professionnalisme, et d’une maturité bien installée.
Quel impact pour le collectif toulousain ?
D’un point de vue stratégique, ce goût pour la mécanique façonne aussi un état d’esprit bénéfique pour le collectif. À l’image de ses choppers, Aldegheri est un joueur qui valorise le sur-mesure, l’effort, le respect de la tradition, et la capacité à faire la différence sans assistance. Ces principes infusent sur le terrain, où il demeure une pièce essentielle de la conquête toulousaine.
Dans une équipe régulièrement en quête d’équilibre entre intensité, précision et créativité, sa constance et son tempérament apportent une assise idéale. Avec Aldegheri dans la rotation, Ugo Mola sait qu’il dispose d’un atout robuste, fidèle à son poste, mais jamais figé face à la modernité. La passion des choppers n’est qu’une manifestation de plus de son refus de la facilité.
Vers une reconversion à deux roues ?
Lorsque viendra l’heure de raccrocher les crampons, pas de doute : Dorian Aldegheri se lancera pleinement dans l’univers du custom. Déjà apprécié dans la communauté des bikers français, il pourrait bien conserver un rôle d’ambassadeur rugbistico-motorisé, un lien inédit entre deux univers de passionnés. En attendant, il continue d’enchaîner les mêlées, les finales… et quelques kilomètres de métal rugissant dès que l’agenda le permet.